Un double voyage
Avant, lorsqu’on me présentait un challenge commercial, j’avais tendance à devenir grincheux. J’ai travaillé pour plusieurs entreprises qui n’y connaissaient vraiment rien en terme de management. Dans ces boîtes old school, la direction voulait de nous que nous nous dépassions mais donnait très peu en contrepartie. Il fallait donc tout donner pendant des semaines pour gagner un panier garni, ça a de quoi porter sur les nerfs. La société pour laquelle je travaille aujourd’hui a heureusement lu quelques bouquins de management. Parce que quand elle met en place un incentive, la dotation est à la hauteur de l’effort fourni. Et ça, ça change tout. Du coup, c’est avec le sourire que je reçois les nouveaux incentives, et je me donne à 200 %. L’année dernière, j’ai ainsi gagné un MacBook, un scooter, des places VIP pour des matchs de foot… Si j’étais déjà ravi de ces avantages, il y a deux mois, j’ai cette fois décroché la timbale : un voyage de cinq jours en Argentine ! Pourtant, au départ, je dois admettre que je n’étais pas vraiment inspiré à l’idée de ce voyage. J’aurais de loin préféré effectuer ce voyage avec ma femme. Parce qu’il s’agissait d’un voyage entre collègues, bien sûr. Le postulat me gênait un peu. Un voyage entre collègues, ce n’est pas franchement du travail, mais c’est quand même loin d’être des vacances. J’imagine que c’est la même chose pour tout le monde : on ne se conduit pas au travail comme on se comporte à la maison. Il y a un rôle à jouer, le rôle du gars qui s’amuse parce qu’il n’est plus dans un bureau, mais tout en faisant quand même garde à se faire voir de telle ou telle manière, car ses collaborateurs sont là pour regarder. Enfin, ça, c’est ce que je croyais. Parce qu’une fois arrivé, je me suis surtout rendu compte qu’un voyage entre mecs, ça permet aussi d’être naturel. Mais d’un naturel très différent de celui qu’on a avec sa femme. J’ai eu mal au crâne lors de mon séjour, mais je dois dire que ça fait quand même du bien. Je craignais que les activités prévues sur place soient un désastre. Vous savez, le genre d’ activité où vous avez l’impression d’être du bétail touristique. J’ai déjà vécu ce genre de moment lors d’un voyage, et ça ne m’a vraiment pas plu. Mais ma direction a, une fois encore, fait preuve d’intelligence : elle a fait appel à une agence événementielle qui a tout organisé de bout en bout, et nous a concocté un séjour vraiment authentique. Si celui-ci s’est révélé assez riche, ça a été un vrai plaisir : il ne s’agissait pas d’un séjour touristique (le colon blanc parmi les indigènes), mais d’un séjour authentique où nous avons non seulement découvert la culture locale mais également échangé avec les habitants et entre collègues. Je craignais surtout que les activités organisées sur place soient consternantes. Vous savez, le genre d’activité qui semble avoir été faite par un moniteur BAFA qui n’a pas compris qu’il s’adressait à des adultes. Mon entreprise a fait d’une pierre deux coups, sur ce coup-là : elle a non seulement satisfait les employés avec un bonus, mais a aussi permis aux employés de resserrer leurs liens. Je pense que je suis enfin arrivé à destination. Il y a eu une période où je changeais souvent d’enseigne. Aujourd’hui, je ne regarde même plus regarder dans le jardin du voisin. Et vous savez quoi ? Ca fait du bien, de se sentir arrivé.