La grande crise économique s’est déclenchée aux États-Unis le 24 octobre 1929 (« jeudi noir ») par le krach boursier de Wall Street et qui se propagea rapidement au reste du monde, et le plongea dans la récession pendant les années 1930. Les profonds bouleversements sociaux et politiques qu’elle engendra favorisèrent l’arrivée au pouvoir en Europe de partis fascistes qui menèrent une politique expansionniste, cause directe de la Seconde Guerre mondiale.
Le déclenchement de la crise
Malgré la bonne santé affichée par l’économie américaine à la fin des années 1920, les bases de la croissance apparaissaient de plus en plus fragiles en raison de la surproduction industrielle, de la spéculation boursière, de l’endettement généralisé et de la persistance de la crise de l’agriculture.
À l’annonce de la baisse des prix et des bénéfices industriels, à la mi-octobre 1929, certains spéculateurs décidèrent de vendre leurs actions pour empocher une plus-value au moment où les cotations boursières de Wall Street (New York) étaient encore à un niveau élevé. Le cours des actions diminua rapidement, entraînant une panique qui culmina le 24 octobre, jour où 16 millions de titres furent proposés à bas prix sur le marché, sans trouver de preneurs. Après un temps d’arrêt, l’effondrement des cours s’étendit à toutes les valeurs et toucha même les symboles de l’industrie américaine. Des centaines de milliers de petits actionnaires se trouvèrent ruinés. Les banques, qui avaient multiplié les crédits depuis plusieurs années, ne purent récupérer leurs fonds auprès des personnes endettées, alors que, dans le même temps, ceux qui avaient de l’argent en dépôt se mirent à le retirer. Ne disposant pas des sommes nécessaires pour les rembourser, beaucoup de banques firent faillite. Ce manque de liquidités entraîna une diminution des investissements industriels et de la consommation de produits manufacturés et agricoles. En trois ans, la plupart des banques américaines fermèrent leurs portes.
La crise s’étendit au monde entier lorsque les banques américaines réclamèrent le remboursement de leurs prêts à l’étranger et rapatrièrent les capitaux qu’elles avaient investis. L’Autriche fut la première touchée, avec la faillite de la banque Kreditanstalt. En Allemagne, la faillite de la Danat Bank, en juillet 1931, provoqua l’effondrement du système bancaire. La baisse des prix des produits manufacturés, inégale selon les pays et les secteurs, fut un phénomène général. Elle atteignit environ 30 p. 100 de 1929 et 1932. Dans l’agriculture, déjà en crise depuis une décennie, la baisse atteignit 65 p. 100 pour les prix de gros des denrées agricoles. Conséquence logique de la surproduction des années 1920, la production industrielle et agricole s’effondra. Des stocks entiers de blé sur pied et de voitures invendues furent détruits. Les pays dont la croissance avait été dépendante des investissements étrangers (Allemagne, Pologne) et ceux où le crédit avait explosé (États-Unis, Canada) furent les premiers touchés.
Très endetté et ne pouvant rapatrier ses capitaux investis en Allemagne, le Royaume-Uni dut abandonner la référence de l’étalon-or pour sa monnaie qui fut dévaluée de 40 p. 100 en septembre 1931. La chute de la livre sterling provoqua par contrecoup celle d’une trentaine de monnaies qui lui étaient liées (Scandinavie, Portugal, Égypte, etc.). Les flux financiers internationaux étaient totalement désorganisés et le commerce mondial sombra dans le marasme. Le commerce international commença à décliner à partir de 1930 et atteignit son point le plus bas en 1932, les dévaluations monétaires et les mesures protectionnistes prises par les différents gouvernements ne faisant qu’accroître la récession.
Restée relativement à l’écart du marasme mondial en raison de sa faible insertion dans le système bancaire international, la France fut touchée par la crise en 1932, à cause de la dévaluation de la livre britannique qui mit à mal la stabilité du franc. La baisse des prix agricoles commencée en 1930 s’accéléra et la chute des exportations provoqua une baisse de la production industrielle. En 1933, le pays comptait déjà 1,5 million de chômeurs. Les mesures prises par les gouvernements radicaux (subventions aux entreprises en difficulté, barrières douanières, encouragement à la baisse de la production agricole) ne purent enrayer la crise, mais compromirent les finances publiques.
Sur le plan humain, l’accroissement du chômage, estimé à 30 millions de personnes à la fin de 1932 (sans doute sous-évalué), contre 10 millions trois ans plus tôt, fut l’aspect le plus tragique de la crise. Les ouvriers, mais aussi les employés, en furent les principales victimes. En Allemagne et en France, les classes moyennes (cols blancs, artisans, commerçants, petits industriels) s’appauvrirent et firent chuter la consommation. Le malaise social se répandit dans tous les pays. Au milieu des années 1930, on estimait qu’un cinquième de la population britannique était sous-alimentée. En 1934 eut lieu la plus célèbre des marches contre la faim, qui conduisit les chômeurs de Jarrow, au nord-est de l’Angleterre, à Londres. Aux États-Unis, la sécheresse frappa une partie des régions du Midwest et du Sud-Ouest, et la région devint célèbre sous le nom de Dust Bowl (désert de poussière).
La mise en place de politiques dirigistes
Aux États-Unis, la crise atteignit son paroxysme au début de 1933, juste après l’élection du démocrate Franklin D. Roosevelt, en novembre 1932. Dans le cadre du New Deal, le nouveau président accrut les interventions de l’État, lança des programmes d’infrastructure pour lutter contre le chômage et relancer la croissance et entreprit d’assainir l’économie. Ces mesures, dont les effets furent immédiats, permirent de restaurer la confiance. Progressivement et par à-coups, la dépression recula, mais c’est l’entrée en guerre des États-Unis, en 1941, qui permit de supprimer totalement la récession.
La politique de Roosevelt était directement inspirée des théories de l’économiste anglais Keynes, pour qui l’État avait un rôle régulateur à jouer en cas de défaillance des lois du marché. Une politique de dépenses publiques (distribution sociale, grands travaux) compensant le manque d’investissement du secteur privé et la baisse des pouvoirs d’achat devait permettre un retour de la consommation et de l’emploi. C’est cette orientation qui fut également adoptée en Allemagne et en France.
En Allemagne, la crise eut des conséquences politiques dramatiques. Le parti nazi accrut son audience auprès des chômeurs auxquels il promit un retour de la croissance. Parvenu au pouvoir en 1933, Adolf Hitler mena une politique d’industrialisation et de militarisation qui permit le retour à l’équilibre mais entraîna l’Europe dans la guerre. Des régimes de droite apparurent également dans les Balkans. D’autres pays tels que le Royaume-Uni et l’Australie se tournèrent plutôt vers les mouvements politiques de gauche.
En France, le gouvernement de Laval mit en place en 1934 une politique de déflation. Il bloqua les salaires des fonctionnaires, mais ces mesures se révélèrent inefficaces et provoquèrent une forte agitation sociale. Cet échec et la crainte d’une montée de l’extrême droite, qui s’était manifestée violemment lors de la manifestation du 6 février 1934, provoquèrent la victoire du Front populaire en 1936. Mais le nouveau gouvernement ne parvint pas à enrayer la crise économique et financière. Touchée plus tardivement que les autres pays par les effets de la crise de 1929, la France n’en était toujours pas sortie lorsque la Seconde Guerre mondiale éclata.